Aujourd’hui :
LE MATERIEL DE L’ECOLIER
LE SAC A GOÛTER :
De nombreux enfants, surtout dans les campagnes et malgré la volonté d’implanter la Maison d’Ecole au centre géographique de la commune, parcouraient des distances considérables pour se rendre en classe, ce qui ne leur permettait pas de rentrer au logis pour prendre le repas de midi.
Panier et sac à goûter (collection musée)
Munis d’une musette ou d’un cartable, d’un panier ou d’une gamelle en fer ou en tôle émaillée, les écoliers arrivaient des hameaux environnants pour la longue journée à l’école. Les paniers et les gamelles contenaient un frugal repas : une soupe (au lard dans le meilleur des cas), une pomme, du pain… et c’est le poêle qui, après avoir diffusé une douce chaleur durant la matinée, servait à réchauffer les « soupes ».
Avec la création des cantines disparurent ces restaurations de « fortune » mais subsistèrent les sacs à goûter qui contenaient un casse-croûte que les écoliers avalaient entre la fin des classes de l’après-midi et l’étude surveillée du soir.
Il n’était toutefois pas rare de voir une maman attentionnée apporter à la grille de l’école un morceau de pain garni de chocolat à son enfant dont l’absence de la journée lui pesait…
Cartables en cuir et housse en toile (collection musée)
LE CARTABLE :
« Quelques jours avant la rentrée des classes, on m’acheta un beau képi neuf, on me fit faire de beaux sarraus noirs pour aller à l’école; on m’acheta un sac d’écolier, un beau sac neuf, jaune, en toile et en cuir avec des dessins, et une courroie en cuir glacé; on m’acheta des beaux crayons neufs à un sou, des beaux porte-plumes neufs, et de belles plumes neuves. » (Témoignage)
A la fin du siècle dernier, les enfants étaient souvent munis de musettes en toile confectionnées par la famille plutôt que d’un cartable. Les écoliers issus d’un milieu plus aisé possédaient une sacoche ou un cartable en cuir parfois lui-même protégé par une housse en tissu. Après la seconde guerre mondiale apparaîtront les cartables de confection industrielle en carton bouilli qui ne faisaient que rarement la « carrière scolaire » de l’enfant, contrairement à leurs solides ancêtres. La mode voulut plus tard, à l’image des habits, que l’on changeât de cartable chaque année.
Ardoise et crayons d’ardoise (collection musée)
L’ARDOISE :
L’ardoise traditionnelle était composée d’un cadre en bois rainuré dans lequel était fixée une pierre d’ardoise véritable. La couleur grise de ce support permettait une écriture au crayon d’ardoise ou plus tard à la craie. Une des faces de l’ardoise était lisse et sur l’autre était gravé dans la pierre, un quadrillage. Le crayon d’ardoise, le plus souvent utilisé par les élèves, était un petit cylindre de tôle emboutie de la taille d’un porte-plume dans lequel on enfilait une mine d’ardoise elle aussi et qui laissait une trace plus claire lorsqu’on la frottait sur l’ardoise pour écrire.
Plus tard, avec le modernisme, apparaîtront des modèles beaucoup moins fragiles : carton noir serti dans un cadre en plastique… Adieu la mauvaise surprise de retrouver, à la suite d’une bagarre ou d’un jeu, son ardoise brisée dans le cartable de retour à la maison…
Pour finir, l’ardoise « Velléda » a définitivement remplacé les autres. Fini la poussière de craie, les mines de crayons d’ardoise brisées, l’éponge qu’il fallait maintenir humide, le chiffon d’ardoise. Bonjour les feutres secs, l’utilisation par inadvertance de feutres indélébiles, les ardoises qui ne s’effacent plus, la rage des maîtresses et des maîtres qui ne voient plus les écritures fines sur fond blanc des élèves du fond de la classe !
Plumes et porte-plumes (collection musée)
LE PLUMIER, LE PORTE-PLUME ET L’ECRITURE :
Que son couvercle soit à glissière, à rotation ou à charnières, le plumier a longtemps accompagné l’élève à l’école. Il fut de fabrication familiale ou artisanale, plus ou moins façonné et décoré. de bois brut ou vernis, parfois orné de délicates peintures, il renfermait des trésors et des secrets…Plus tard, le bois, matériau noble et rigide s’il en est, sera supplanté par l’arrivée des trousses « molles » et de fabrication industrielle peu coûteuse.
« Placer le porte-plume entre les trois premiers doigts, sensiblement arqués, sans raideur… le quatrième et le cinquième doigts, légèrement repliés, serviront de point d’appui à la main… descendre le majeur à la partie inférieure du porte-plume… tenir la hampe de celui-ci dirigée vers le bord externe de l’épaule droite… ». (Extrait des Instructions Officielles)
La hampe de bois, de corne ou de plastique du porte-plume était emmanchée sur une virole métallique, elle-même utilisée pour sertir momentanément une plume à son extrémité. Quel progrès technologique au regard de la plume d’oie employée précédemment !
La plume… objet de toutes les souffrances et de tous les malheurs. Malgré une rude concurrence, rien ne put détrôner la Compagnie Française des plumes, porte-plume et crayons fondée en 1836, ni sa fameuse plume « Sergent-major ». Une profusion de modèles permettait de pallier toutes les éventualités (les gauchers par exemple ou les « laboureurs » pour qui la force primait la souplesse…). Le gaucher justement : alors que l’écriture à la plume est une écriture « tirée » de gauche à droite par une main droitière, lui est contraint de « pousser » de gauche à droite avec sa main gauchère. La réaction ne se fait pas attendre, la plume se plante dans le papier et, sous la pression du scribe, ploie avant de se détendre comme un ressort maculant d’encre la malheureuse copie… La solution la plus simple ? Interdire la main gauche bien sûr ! Les gauchers contrariés furent légion et subirent tant bien que mal cette normalisation forcée. Du reste, l’autre argument était que, dans la société très manuelle de la fin du XIXème siècle, tous les outils agricoles ou industriels étaient conçus pour les droitiers et qu’utilisés par les gauchers, ils devenaient dangereux.
L’écriture a souvent été qualifiée de « discipline des ânes » du fait du peu de réflexion qu’elle nécessitait, elle conférait malgré tout plus tard à ceux qui la maîtrisaient, une qualité et une aptitude aux métiers « d’écriture » (entendre « de copie »…).
Il faut écrire beaucoup : l’art d’écrire à la plume et à l’encre est une calligraphie qui ne peut qu’être mécanisée et ainsi s’acquérir lentement comme l’écrira Péguy, père des Hussards Noirs de la République : « Au lieu de nous faire écrire des mots, comme tout le monde, ou tout au moins des lettres, le maître nous faisait écrire des bâtons ridicules indéfiniment, et des jambages, et des boucles (..). Je me soumettais austèrement par discipline ; pour la première fois de ma vie je connus l’arrière-goût amèrement bon de l’obéissance pénible voulue ».
La recherche de l’application est constante et masque momentanément ce que l’on a appelé à la fin du XIXème siècle « la dégradation de l’écriture ». Oui, vous avez bien lu : « la dégradation de l’écriture ». Voilà que déjà, la massification de l’enseignement et par conséquence de cet apprentissage, avait rendu certains nostalgiques de l’élite des « belles mains » : les copistes d’antan. On retrouve cependant cette tradition perpétuée dans les cahiers des meilleurs élèves (souvent les seuls qui ont traversé le temps), pour les autres, la honte ou la rancœur était trop grande et, comme le dit la chanson, c’était « Au feu les cahiers ! La maîtresse au milieu ». Belle revanche ! Mais au final, à l’âge adulte, on jouait sa carrière professionnelle sur une belle page de demande d’embauche, le « curriculum vitae » manuscrit d’aujourd’hui en reste le dernier avatar.
Les maîtres avaient raison d’exiger « le savoir écrire » certes, mais sans fautes, en « français national », pour ancrer une langue commune au milieu de tant de patois pratiqués. En cela devait résider le progrès vers le XXème siècle : le citoyen aura dès lors accès à une communication élargie dans le temps (les grands auteurs lui seront accessibles) et dans l’espace (il pourra écrire ces courriers qui brisent la solitude sociale, morale et culturelle de tout analphabète). Savoir lire et écrire en français est tout aussi indispensable au mouvement ouvrier naissant qu’à l’affirmation politique du suffrage universel. N’est-ce pas là, tout contexte actualisé bien sûr, un sujet toujours d’actualité ?
Pour exciter votre curiosité :
Réponse à la question de dimanche dernier sur l’objet inconnu :
Taille-plume du milieu XIXème siècle (collection musée)
Patrick PLUCHOT
Président de la Maison d’Ecole
Collection Ecomusée de la CUCM-Musée de France
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